note
juin 2024
L'intelligence artificielle et nous :
dialogue entre Gaspard Koenig et Cédric Villani
L’avènement de ChatGPT le 30 novembre 2022 a marqué les esprits. Pour la première fois, le grand public a pris conscience de la réalité de l’intelligence artificielle. L’agent conversationnel d’OpenAI a été accueilli avec stupéfaction du fait de la simplicité déroutante de son interface. Yahoo ! et Google en leur temps ont révolutionné les moteurs de recherche et, ce faisant, la navigation sur le web, par une barre de recherche sobre et accessible à n’importe qui. En permettant à toute personne de venir dialoguer simplement avec son chatbot, OpenAI n’a pas révolutionné le développement de l’intelligence artificielle d’un point de vue technologique mais a permis une prise de conscience mondiale.
Pourtant, l’intelligence artificielle était déjà largement présente dans nos vies, que ce soit via notre application de guidage favorite, le robot conversationnel de notre fournisseur d’accès à internet ou encore les publicités ciblées. Mais jusqu’à présent, nous étions en contact avec l’intelligence artificielle dans un cadre précis. Avec ChatGPT, le cadre semblait avoir disparu et le champ des possibles s’être ouvert.
La conséquence fut alors celle d’un emballement généralisé. Pas un jour sans qu’un article, une tribune ou une interview soit consacré aux conséquences de l’intelligence artificielle sur nos vies et le futur de l’humanité. Certains, optimistes, considèrent les perspectives de l’humanité décuplée et l’immortalité atteignable, d’autres, pessimistes, perçoivent les prémices de l’asservissement de l’Homme par la machine et une technologie mise au service des plus bas instincts.
Est-on réellement face à un bouleversement anthropologique ? S’agit-il d’une révolution technologique et industrielle ? Notre rapport à la connaissance va-t-il changer ? Est-ce la fin du travail ? Le sujet nous plonge dans un abyme de questionnements.
Pour tenter d’y répondre, il nous a semblé important de prendre du recul et de faire appel à deux personnalités ayant pris le temps de travailler en profondeur sur l’intelligence artificielle. Cédric Villani, mathématicien reconnu (médaille Fields 2010), a entre autres été chargé par le gouvernement Français d’une mission sur le sujet en 2017. Le rapport issu de ses travaux, Donner un sens à l’intelligence artificielle (2018), est encore aujourd’hui une référence en la matière. Gaspard Koenig, essayiste et philosophe, a, lui, décidé d’y consacrer une enquête menée aux quatre coins du monde, La Fin de l’individu (Voyage d’un philosophe au pays de l’intelligence artificielle), éditions de l’Observatoire (2019).
N’hésitant pas à sortir de leur champ d’expertise initial, tous deux observent et analysent depuis plusieurs années l’évolution du débat sur l’intelligence artificielle.
Ce sont ainsi deux esprits, amis par ailleurs, qui ont accepté de se prêter au jeu de cet entretien croisé et qui nous apportent leur regard. Ils abordent la genèse de l’intelligence artificielle et des Large Language Models ; traitent des algorithmes et du nudge ; convoquent Rousseau, Socrate ou encore Hayek ; passent par la philosophie confucéenne, le jeu de go et la géopolitique ; évoquent l’agriculture, l’éducation ou encore l’urbanisme.
En définitive, plutôt que d’essayer de deviner ce que sera le monde de demain, ils nous proposent de nous interroger sur ce que la révolution annoncée de l’intelligence artificielle nous dit de nous-mêmes.
Conférence
Une conférence a eu lieu le 19 juin en présence de Gaspard Koenig, Cédric Villani et Laurence Devillers à la Maison des professions libérales de Paris.